Comment le prix du pétrole est tombé sous zéro
Publié le 21.4.2020 à 21:03, modifié le 28.4.2020 à 17:05
A la fermeture du marché le 20 avril, le prix du baril de pétrole affichait -37 dollars. Ce phénomène jamais vu est la conséquence d’un déséquilibre extrême entre l’offre et la demande. Et aussi de la spécificité du marché des matières premières. Explications.
Le chiffre : -306%, à -37,63 dollars le baril
>> Wall Street retiendra certainement la date du 20 avril 2020. Pour la première fois de l’histoire, le prix du baril de pétrole était négatif. Il s’agit du pétrole de référence WTI, pour West Texas Intermediate, coté à New York.
Comment le prix du pétrole peut-il être négatif ?
>> Cette situation aberrante provient de la conjonction de plusieurs facteurs.
1/ La demande de pétrole s’effondre à cause de la pandémie de coronavirus et du confinement de la moitié de la planète. Les usines tournent au ralenti, les voitures sont au garage et les avions cloués au sol.
En face, l’offre est surabondante, notamment à cause du ralentissement économique mondial antérieur au coronavirus et du fait de désaccords entre les principaux pays producteurs de pétrole (OPEP), la Russie et les Etats-Unis.
Comme sur tout marché, une baisse de la demande associée à une hausse de l’offre entraînent une diminution du prix.
2/ Pour les matières premières, surtout le pétrole, un déséquilibre offre/demande important et durable a une autre conséquence. Il entraîne la saturation des capacités de stockage. Il faut bien stocker le pétrole produit qui n’est pas acheté. Et c’est plus difficile que l’or par exemple.
3/ Le dernier facteur vient du fonctionnement spécifique du marché des matières premières. Sur un marché classique comme les actions, on achète instantanément l’actif au prix déterminé par l’offre et la demande. Les matières premières ne sont pas des biens livrés immédiatement. Les échanges portent donc sur des contrats à terme (ou futures en anglais) : on achète, ou on vend, une quantité donnée qui sera livrée à une date donnée.
Pour le pétrole, les contrats sont mensuels et présentent une date d’échéance fixée quelques jours avant le mois de livraison. Passé cette date, il n’est plus possible d’échanger le contrat.
C’est justement l’approche de la date butoir du contrat mai 2020 (le 21 avril) qui a précipité le prix du baril à -37 dollars. Les producteurs et les détenteurs de contrats, ne voulant ou ne pouvant pas en prendre livraison ces prochaines semaines, ont préféré payer pour s’en débarrasser. D’où le prix négatif.
Et maintenant ?
>> Passé l’effet de surprise, les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets, sauf à ce que l’économie reparte ou que les pays producteurs s’entendent sur une diminution de l’offre plus importante… La pression se porte désormais sur le contrat juin 2020, négociable jusqu’au 19 mai. Et sur les autres références de pétrole (voir plus bas).
>> Pour l’industrie pétrolière, la situation est très critique et des faillites ne sont pas à exclure aux Etats-Unis où il existe des producteurs de taille moyenne. La chute généralisée des prix pourrait prendre une tournure catastrophique pour les pays dont l’économie dépend fortement de la production d’hydrocarbures, comme l’Algérie ou le Venezuela.
L’info en plus n°1 : Il existe plusieurs références de pétrole brut qui ont chacune leur propre marché et leur prix. La référence détermine la provenance, la qualité (brut lourd ou léger), les lieux de livraison… La plus connue est le Brent, qui concerne le pétrole produit en mer du Nord. Le Dubaï light représente la production au Moyen-orient.
L’info en plus n°2 : Un baril de pétrole contient 159 litres.